Caroline Klein Caroline Klein Caroline Klein Caroline Klein Caroline Klein Caroline Klein

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Présente-toi et ton projet 

Je m’appelle Caroline Klein et je suis architecte. Après avoir obtenu mon diplôme à Strasbourg, je suis partie travailler 3 ans en agence d’architecture. Bien que ces trois années furent enrichissantes, j’ai fait le choix d’arrêter car je ne me retrouvais pas dans les valeurs qui étaient défendues. Je voulais vraiment allier mes valeurs personnelles dans mon travail, principalement environnementales. Je me suis donc par la suite recentrée sur la menuiserie et le travail sur mesure. Ce qui me permet de dessiner mes propres plans et de renouer avec l’aspect humain que permettent les projets de plus petite échelle. 

Le projet Gris Bois a été créé en 2019 et a été lié à la mise en place du lieu dans lequel nous nous trouvons, le CRIC. Nous avons toujours eu comme principale ligne de conduite, de construire qu’avec des panneaux dérivés du bois massif, comme du contreplaqué ou du latté, qui sont des panneaux très différents des panneaux fibres. Il y a une vraie réflexion qui est faite autour du rapport que l’on porte à la matière et aux objets ainsi qu’à l’artisanat. Notre rapport aux objets évolue avec le temps. À l’époque acheter un meuble, c’était le symbole d’un grand événement, qui avait son coût. Aujourd’hui, ce rapport se voit transformé, il est donc important de mettre en avant les liens que l’on porte au bois, ainsi qu’à l’artisanat. La collaboration avec les éditions 2024 s’est faite naturellement, la proximité nous a permis de répondre plus facilement à l’enjeu qui était d’écrire un livre en moins d’un an. Du pin sur la planche est un livre à choix multiples, ce qui signifie que le⋅la lecteur⋅trice est maître⋅sse de l’histoire. Il y a plus d’une trentaine d’histoires qui s’entremêlent en fonction des choix faits. On avait envie de traiter de sujets sérieux comme celui de l’industrie du panneaux fibres et particules, de la diversité de nos forêts ainsi que des enjeux environnementaux auxquels elles font face, de l’artisanat, du sexisme dans ce milieu qui est encore dominé par les hommes, le tout avec légèreté. 

De parler facilement de la matière, des paysages intérieurs et extérieurs qui nous entourent. Montrer que l’industrialisation joue également un rôle majeur sur notre perception de nos forêts typées monocultures qui sont aujourd’hui confrontées à des plantations d’arbres. On souhaite montrer que dans l’industrie du meuble le lien se perd et que ce dernier modifie nos environnements intérieurs avec l’uniformisation des intérieurs, et extérieurs avec nos forêts.

Lorsque tu étais enfant, tu rêvais de devenir quoi ? 

Je n’ai jamais vraiment eu d’obsession pour un métier lorsque j’étais enfant, mais j’ai toujours su que je voulais travailler avec les gens. Je sais qu’auparavant, je souhaitais devenir médecin, mais j’ai vite su que ça ne me conviendrait pas. Finalement dans l’architecture, ce qui me plaît le plus c’est l’aspect sociologique. C’est un domaine très varié qui peut offrir beaucoup de choses.

Quels ont été les moments compliqués à surmonter ?

Le début de Gris Bois était dur, car on se lançait dans une nouvelle aventure, donc tout pouvait arriver. Et je pense qu’au commencement d’un projet, peu importe lequel il faut à la fois être motivé et avoir peur. L’inconnu effraie toujours un peu, mais lorsque nous avons vu arriver les premières demandes, ça nous a beaucoup rassuré. Les projets se sont donc par la suite vite enchaînés, on ne voyait pas le temps passer, on était vraiment dans une phase de production avant que l’on ne trouve notre rythme de travail. Car nos métiers demandent beaucoup d’énergie et de vigueur, il était donc essentiel de se questionner sur notre façon de travailler. Lorsque Timothée, qui est compagnon menuisier a rejoint l’équipe, son savoir-faire nous a aidés à compléter notre partie autodidacte. Au début du projet, nous étions 3, ensuite 2, et je suis désormais l’unique responsable de la gestion de ce projet. Lancer un projet ça demande beaucoup de sacrifices par rapport au temps ou encore à la rémunération. Ce sont des leviers qui rentrent en compte lorsque des associés quittent un projet. Les 5 premières années sont toujours compliquées, mais maintenant ça va beaucoup mieux.

Ton erreur de débutante ?

Avec du recul, il y a eu des moments de doute, dans lesquels les valeurs qui étaient portées par la société au départ ont pu être compliquées à mettre en pratique, principalement concernant les matériaux utilisés. Pour rester concurrentiel, on est contraint de rester dans une certaine gamme de prix. Et comme beaucoup d’autres artisans, respecter les prix, cela implique de moins se rémunérer, de faire moins de marge, et de prendre plus de risques. Ce sont parfois ces valeurs qui ont pu mettre en doute la viabilité de notre société. Je me pose encore la question, car le marché fait que toutes ses décisions finissent par évaluer en fonction de différents facteurs. Lorsque le pouvoir d’achat diminue et les matières premières augmentent, on se retrouve au milieu de nos valeurs, sans savoir comment les rendre concrètes. Le doute est toujours présent. 

La consécration dont tu es la plus fière ?

Ça serait difficile de répondre à cette question, je suis toujours très contente lorsque les gens réceptionnent le meuble. Généralement, ils sont contents, c’est super gratifiant de voir que ce que l’on a dessiné se concrétise et est très apprécié par nos client⋅es. On est toujours surpris de voir ce dont on est capables. Je me souviens d’un de nos premiers projets, nous avions visité un comble dans lequel deux petites filles y dormaient. Elles n’avaient donc pas de chambre, et les parents nous avaient uniquement demandé de construire deux bureaux. Et au fur et à mesure des échanges, nous nous sommes permis de tout redessiner de A à Z pour faire deux chambres avec lits, rangements, des bureaux, les cloisons, etc. C’était vraiment un beau moment, car les parents pensaient qu’un projet de cette ampleur serait impossible. Mais au final, leurs deux filles ont pu avoir leur propre chambre. 

Un conseil pour celles et ceux qui souhaitent se lancer ?

Tout d’abord, je dirais qu’il faut avant tout se faire confiance et essayer de s’entourer de personnes qui le sont tout autant, et qui sont capables de nous le rappeler dans des périodes de doutes. L’énergie créative sommeille en nous, mais on la trouve aussi chez les autres. Mettre à l’écrit nos objectifs et nos motivations pour se le rappeler est également très important, car on a tendance à se centrer sur des problèmes qui ne représentent pas la globalité du projet. Il est donc important de se souvenir de l’essentiel. Au début d’une activité, on a tendance à tout accepter, mais il faut toujours se diriger vers les projets qui nous animent. Apprendre à refuser, c’est primordial, car accepter un projet, c’est directement être amené au prochain. Donc il faut veiller à faire de bons choix et à se fier à son intuition. Enfin, en tant que femme, il faut toujours garder en tête que nous sommes fortes, et capables d’accomplir de grandes choses.